De quoi était il question, dans cet arrêt du 2 mai 2024 (n°22-16.603) ?
Les faits
Un salarié se prétendait victime de harcèlement moral, et souhaitait le prouver par le biais de l’enregistrement d’une conversation téléphonique avec son employeur, effectué à son insu.
La Cour d’appel
La Cour d’appel avait considéré qu’il s’agissait d’un procédé déloyal, rendant illicite l’enregistrement.
Elle l’a donc écarté du débat, et rejeté la demande d’indemnisation au titre du harcèlement.
Quelle est la position de la Cour de cassation ?
La Chambre sociale ne partage pas l’analyse de la Cour d’appel, et casse son arrêt.
Elle confirme sa jurisprudence de décembre 2023, reposant sur un principe, aux termes duquel dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’une preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.
Le cas échéant, il convient de réaliser un double contrôle :
- La preuve doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
- L’atteinte portée par la preuve est strictement proportionnée au but poursuivi.
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
Une preuve déloyale (par exemple, l’enregistrement clandestin d’une conversation, l’extrait d’un système de vidéosurveillance illicite, la capture d’écran d’une messagerie de réseau social, etc.) peut être produite :
- S’il s’agit du seul moyen permettant de prouver les faits, et que le succès de la demande en dépend ;
- Si la production de la preuve poursuit un but légitime, sans excéder ce qui est nécessaire pour prouver les faits.
En synthèse
La Cour de cassation réaffirme sa position récente, exposée dans les arrêts du 22 décembre 2023.
Il s’agit d’une solution bienvenue s’agissant de l’effectivité du droit à la preuve (notamment dans les cas de harcèlements, où il pouvait être particulièrement délicat pour les salarié(e)s de se procurer des éléments de preuve).
Elle est toutefois susceptible d’impacter en profondeur les rapports de travail, à garder en mémoire que l’on soit un(e) salarié(e) ou un employeur.