Maître RAYNAUD Pauline

La liberté des salariés de témoigner et ses limites

La liberté de témoigner, une liberté fondamentale

Cette liberté est prévue par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le fait que les salariés puissent témoigner librement est indispensable pour garantir une bonne justice en droit du travail.

D’une part, son exercice concourt à la manifestation de la vérité.

D’autre part, elle participe à l’effectivité du droit de se défendre en justice.

 

L’exercice concret de la liberté de témoigner

L’attestation de témoignage

Souvent, le témoignage prend la forme d’un document manuscrit, qui contient le récit des faits auxquels son auteur a assisté.

L’audition de témoin

Plus rarement, le conseiller prud’homal ou le magistrat en charge du dossier peut demander à entendre un témoin.

 

L’obstacle pratique au témoignage des salariés

Le constat

Il est souvent difficile d’obtenir des témoignages de collègues ou d’anciens collègues pour les produire en justice

L’origine du constat

Ce silence résulte généralement de la crainte d’être sanctionné par l’employeur pour avoir témoigné dans le cadre d’un procès

 

La protection de la liberté de témoigner

En principe, le témoignage d’un salarié dans une instance judiciaire ne peut, sauf abus, constituer une faute ou une cause de licenciement. A défaut d’abus, la sanction est nulle.

Quand le témoignage devient-il abusif ? 

Le témoignage est abusif en cas de mauvaise foi de son auteur, donc en cas de mensonges ou face à l’intention de nuire.

 

Le vif du sujet : De quoi était-il question, dans cet arrêt du 10 juillet 2024 ? (n°23-17.953)

Les faits

En l’espèce, une entreprise avait licencié un salarié pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité par le témoignage établi en faveur d’une autre salariée dans un litige prud’homal.

La Cour d’appel

Selon elle, le licenciement n’était pas nul, puisqu’il ne reposait pas sur le témoignage réalisé contre elle, mais sur une méconnaissance des obligations contractuelles du salarié.

 

Quelle est la position de la Cour de cassation ?

La Chambre sociale ne partage pas l’analyse de la Cour d’appel, et casse son arrêt.

La simple méconnaissance des obligations contractuelles du salarié lors d’un témoignage ne caractérise pas sa mauvaise foi.

Le licenciement prononcé doit donc être annulé.

 

Que retenir de cette décision ?

Je suis salarié(e)

La liberté de témoigner dans le cadre d’une instance judiciaire n’est limitée que par la mauvaise foi.

Toute mesure de rétorsion intervenant en dehors de ce cas particulier pourra être annulée.

Je suis employeur

La marge de manœuvre pour sanctionner un(e) salarié(e) en raison de son témoignage existe, mais elle est faible.

Elle suppose une analyse fine de la situation.

 

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Maître Pauline Raynaud

Maître Pauline Raynaud

Avocate au Barreau de Toulouse depuis 2018, je consacre exclusivement mon activité au droit du travail, dans toutes ses dimensions.

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