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Du nouveau concernant la preuve des heures supplémentaires

Les demandes en paiement d’heures supplémentaires font probablement partie des questions que les Conseils de prud’hommes et chambres sociales de Cours d’appel tranchent le plus fréquemment.

Une charge de travail dense, voire excessive, que l’employeur refuse de prendre en compte dans sa politique de rémunération, une convention de forfait méconnaissant les exigences légales et/ou conventionnelles… Les situations à l’origine de ce type de demande peuvent être diverses et variées.

Qu’elles soient formulées à tort ou à raison, il est certain qu’elles occupent à n’en pas douter une part considérable du contentieux des juridictions sociales.

Or, qui entend revendiquer un droit doit s’interroger sur la façon de le prouver, et c’est précisément sur le système probatoire des heures supplémentaires que la Cour de cassation est venue se prononcer le 27 janvier dernier (n°17-31046).

 

1. La souplesse dans l’appréciation du décompte à fournir par le salarié

 

En l’espèce, pour obtenir le paiement d’heures supplémentaires, le salarié fournissait un décompte des heures de travail accomplies ; lequel mentionnait, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures quotidien et le total hebdomadaire.

La Cour d’appel avait refusé de faire droit à ses demandes sur la base de ce décompte, dans la mesure où le salarié n’y faisait notamment pas mention de la prise d’une éventuelle pause méridienne.

La Cour de cassation casse cette décision, considérant que l’absence de mention de la pause méridienne dans le décompte des heures produit par le salarié ne suffit pas à le débouter de sa demande en paiement d’heures supplémentaires.

Par cette décision, elle s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence relativement clémente à l’égard du salarié désireux d’établir la réalité des heures supplémentaires, et qui l’avait déjà conduite à faire droit aux demandes de paiement  sur la base d’e-mails professionnels envoyés tôt le matin ou tard le soir, ou encore la production de décomptes manuscrits des heures travaillées les dimanches et jours fériés.

 

2. L’allègement de la charge probatoire des heures supplémentaires pour le salarié

 

A l’occasion de cet arrêt, la Cour de cassation affirme qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Elle confirme ainsi la position adoptée dans son arrêt du 18 mars 2020, dont la note explicative exposait clairement sa décision d’abandonner la notion d’étaiement, pouvant être source de confusion avec celle de preuve, en y substituant l’expression de « présentation par le salarié d’éléments à l’appui de sa demande ».

Elle entendait ainsi souligner que « les juges du fond doivent apprécier les éléments produits par le salarié à l’appui de sa demande au regard de ceux produits par l’employeur et ce afin que les juges, dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée d’éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, ce qui est en définitive la finalité du régime de preuve partagée ».

En d’autres termes, les exigences mises à la charge des salariés sont bien plus pondérées que les attentes pesant sur les employeurs.

Force est en effet de constater que ces derniers ne se voient pas la tâche facilitée en pareils contentieux ; d’autant moins que la Cour de cassation considère qu’ils ne peuvent échapper au paiement des heures supplémentaires en se contentant de contester les éléments fournis par le salarié.

Ils doivent, contrairement à leurs subordonnés, justifier les horaires effectivement réalisés (donc les prouver), et non simplement présenter des éléments de faits présentant un minimum de précision à cet effet.

Contact

Maître Pauline RAYNAUD

Avocate en droit du travail

8, port Saint Sauveur
31000 TOULOUSE

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